La renverse 2016
Olivier Adam
Présentation de l’éditeur :
« Ce n’est qu’au moment d’entre dans le bar-tabac que la nouvelle m’a vraiment heurté, qu’elle a commencé à filer le tissu du drap que je tendais depuis des années sur cette partie de ma vie. J’ai demandé deux paquets de cigarettes, salué les habitués du plat du jour. Au-dessus des tables, un téléviseur s’allumait sur une chaîne d’information en continu. A l’instant où j’y ai posé les yeux, le visage éminemment télégénique de Jean-François Laborde s’est figé sur l’écran. J’ai demandé qu’on augmente le volume. On annonçait son décès dans un accident de voiture. Suivait un rappel succin de sa biographie. Fugacement, la pensée, absurde étant donné le temps accordé à l’information, qu’il n’avait pas été fait mention de ma mère m’a traversé l’esprit. »
Dans La renverse, Olivier Adam retrace l’itinéraire d’Antoine, dont la vie s’est jusqu’à présent écrite à l’ombre du scandale public qui a éclaboussé sa famille quand il était encore adolescent. Et ce faisant, il nous livre un grand roman sur l’impunité et l’humiliation, explorées au sein de la famille comme dans l’univers politique.
J’ai longtemps hésité avant d’acheter mon premier Olivier Adam. Cette belle gueule, en couverture qui plus est, voilà un roman qui devrait être digne de Marc Lévy. Mais tout de même, on ne trouve pas de Guillaume Musso et compagnie dans ma librairie préférée, et il était exposé bien en vue, alors je l’ai ouvert. Ce qui m’a décidée, c’est cette petite définition, qui ouvre le roman :
„La renverse : période de durée variable séparant deux phases de la marée (montante ou descendante) durant laquelle le courant devient nul. Syn. : l’étale“
Voilà qui promettait. Et puis, au début, cela s’est plutôt bien passé : L’intrigue politique a certes son importance et il est intéressant de constater qu’elle prend sa source dans divers scandales (on pense à l’affaire Georges Tron), mais il s’agit avant tout d’une histoire de l’intime ; le monsieur sait écrire et c’est plutôt agréable, on est séduit par quelques jolies tournures de phrase ; l’histoire semble prometteuse et certains personnages sont presque touchant.
Oui, j’ai bien dit presque. Parce que tout de même, je trouve tout cela très toc. Le libraire est un vieillard bienveillant qui refuse de vendre des best-sellers, les hommes politiques sont pourris jusqu’à la moelle, les ados des rebelles et la famille du copain des écolos comme on n’en fait plus. Les personnages sont des figurines de cire la plupart du temps inexpressives, ou bien des pantins aux mouvements prévisibles. L’anti-conformisme devient alors un lieu commun et tous les personnages ne sont que des esquisses, des ébauches sans profondeur – mis à part peut-être la mère du narrateur, qui reste un personnage assez énigmatique… jusqu’à sa dernière et décevante apparition. Ce choix se justifie certes, car les personnages évoqués sont en fuite – jusqu’à la fuite de leur propre personne, de leurs propres émotions, mais cela n’explique tout de même pas leurs réactions téléphonées. Et même si cela permet au narrateur (et c’est bien là son seul intérêt) une remise en question distanciée et continue de la perception des événements par la presse, les autres intervenants, aussi bien que de sa propre perception, cela ne suffit pas.
En bref, La renverse ne m’a pas passionnée : j’aurais voulu davantage de finesse et nettement moins de gros sabots. Tout comme Chloé qui annonce au narrateur qu’il ne gravera pas d’empreinte, ce livre ne laissera pas longtemps la sienne en ma mémoire.
Extrait :
« Chloé dormait paisiblement. Sous les draps, son corps salé formait une série d’angles incompréhensibles. Je ne crois pas qu’elle m’ait trouvé particulièrement absent ce soir-là. Je l’étais toujours. Elle en riait le plus souvent. Parfois s’en agaçait. On ne pouvait rien bâtir avec moi, rien projeter. Vivre à mes côtés, c’était plonger sa main dans l’eau et la regarder filer entre les doigts. D’ailleurs, nous ne vivions pas ensemble. Elle louait un appartement dans la vieille vielle et me rejoignait régulièrement au hameau. Rarement l’inverse. Le plus souvent nous nous retrouvions sur la plage, ou au détour des sentiers. Partagions un repas sur la terrasse de La Perle noire, dont les tables étaient pratiquement plantées dans le sable. Puis je l’entraînais chez moi. Nous lisions côte à côte, fermions les yeux en tirant sur nos joints, bercés par la musique. Baisions dans la nuit saturée de vent, gonflée de ressac. Nous parlions peu, en définitive. J’aimais bien sa présence. Elle s’accommodait de mon absence. Même si, vouant déjà ses jours aux grandes étendues, à la conversation muette des vagues et du ciel électrique, elle n’aurait pas craché sur un peu plus de consistance de ma part. Des voiliers qu’elle pilotait au sommeil où elle m’accompagnait, il n’y avait au bout du compte qu’une différence infime. Un jour tu disparaîtras, prédisait-elle. Un jour je me retournerai et tu ne seras plus là, tu n’auras pas gravé d’empreinte. Et je me demanderai si tu as vraiment existé. »