J’ai lu… Annie Ernaux

Mémoire de fille 2016                                                                           

Annie Ernaux

Présentation de l’éditeur :

«J’ai voulu l’oublier cette fille. L’oublier vraiment, c’est-à-dire ne plus avoir envie d’écrire sur elle. Ne plus penser que je dois écrire sur elle, son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil, sa faim et son sang tari. Je n’y suis jamais parvenue.»
Dans Mémoire de fille, Annie Ernaux replonge dans l’été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, à la colonie de S dans l’Orne. Nuit dont l’onde de choc s’est propagée violemment dans son corps et sur son existence durant deux années.
S’appuyant sur des images indélébiles de sa mémoire, des photos et des lettres écrites à ses amies, elle interroge cette fille qu’elle a été dans un va-et-vient implacable entre hier et aujourd’hui.

 


SAMSUNG CAMERA PICTURES


 

Pour tout vous avouer, je n’avais jamais lu Annie Ernaux. J’en avais entendu parler, bien sûr, en particulier au lycée, lorsque nous avions étudié l’autobiographie. J’avais donc – pour une fois – un a priori plutôt positif.

Il faut dire qu’à première vue, ou à première lecture, Mémoire de fille avait des chances de me plaire, puisque dès le départ, l’écriture est ancrée dans une réflexion sur la notion d’autobiographie sous un angle intéressant : pour illustrer ses élucubrations sur l’identité, Annie Ernaux choisit, afin de présenter la fille qu’elle était en 1958, de parler d’elle à la troisième personne, alors qu’elle conserve le « je » pour le temps présent. Au début, j’ai été emballée par cette étude presque anthropologique de sa propre personne, mais à la longue, cela m’a lassée et il m’a semblé qu’Annie Ernaux, à travers ce procédé, réinventait un peu le fil à couper le beurre.

Si Mémoire de fille m’a finalement déplu, c’est justement parce qu’Annie Ernaux y adopte le ton froid et scientifique de l’anthropologue. C’est cette froideur de la science qui m’interdit de profiter pleinement de ma lecture : elle fait barrage à toute émotion, si bien que je n’ai pas réussi à être touchée par l’histoire.

Cela ne m’empêche pas, bien sûr, de comprendre le parti pris littéraire : ce recul, cette froideur envers les personnages ne tombent pas du ciel. En bonne disciple de Flaubert, Annie Ernaux pense que l’émotion est négative, dans la mesure ou elle crée le mensonge, où elle manipule le lecteur. La vérité ne peut donc être transmise qu’à travers un regard scrutateur, analytique.

Dans le cas d’Annie Ernaux, il me semble que l’écriture factuelle agit comme un catalyseur des émotions : elle cherche à atteindre une vérité d’un fait douloureux (qu’il s’agisse de cet été 1958 ou bien de l’agonie de sa mère) pour s’en libérer. En contournant les émotions, elle met ainsi la douleur à distance. Mais parfois aussi ses lecteurs…

 

Extrait :

« Dans l’incapacité de retrouver son langage, tous les langages qui composent son discours intérieur – qu’il est vain de vouloir reconstituer comme j’ai cru possible de le faire en écrivant Ce qu’ils disent ou rien – je peux au moins en prélever des échantillons dans les lettres adressées à une amie de classe, partie du pensionnat l’année d’avant, lettres qu’elle m’a redonnées en 2010. Elles commencent toutes par Marie-Claude chérie ou Darling et se terminent par Bye-bye ou Tchao, à la mode lycéenne. Dans celles des mois précédant l’arrivée à la colonie, il y a :

Vivement que je quitte cette boîte [le pensionnat] où l’on crève de froid, d’ennui, d’étouffement“ et „cette horrible ville d’Yvetot“.

Pour faire loucher les cornettes, je porte des nattes, du vernis à ongles et des blouses sans ceinture.“

C’est épatant d’être jeune ! Je ne suis pas pressée de me mettre dans les fers du mariage.“

La fille de 58 apprécie tout ce qui lui paraît „émancipé“, „moderne“, „à la page“ et elle stigmatise les „filles à principes“, „à oeillères“ ou celles „qui cherchent un mari avec beaucoup de fric“.

Elle „adore“ faire les disserts de français, dont elle recopie les sujets à son amie. Rabelais est-il un énigme ? Boileau a dit „Aimez la raison“ et Musset „Déraisonnez !“ etc.

Le contenu de sa correspondance tourne exclusivement autour de la vie scolaire et des lectures (Sagan, Camus, L’homme révolté qualifié d’“ardu“), de l’avenir et de l’existence en général. Le ton est vibrant, exalté. La proclamation que „la vie vaut d’être vécue“ reviens souvent. A propos du bal où elle est allée au Carnaval d’Yvetot : „Dans un tourbillon effréné, j’ai ressenti pour la première fois une espèce de bonheur inouï et j’ai pensé tout haut puisque j’ai dit „Je suis heureuse“.“

Il n’y a rien sur ses parents.

 

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s