Apocalypse bébé 2010 Virginie Despentes
Présentation de l’éditeur :
Valentine a disparu… Qui la cherche vraiment ?
Entre satire sociale, polar contemporain et romance lesbienne, le nouveau roman de Virginie Despentes est un road-book qui promène le lecteur entre Paris et Barcelone, sur les traces de tous ceux qui ont connu Valentine, l’adolescente égarée… Les différents personnages se croisent sans forcément se rencontrer, et finissent par composer, sur un ton tendre et puissant, le portrait d’une époque.
Après deux ou trois expériences pas forcément très positives avec Despentes (que vous pourrez retrouver ici et là), j’avais décidé de lâcher l’affaire et décrété que Despentes, c’était intéressant, mais ce n’était définitivement pas mon truc.
Mais ça, c’était AVANT d’en parler avec ma copine Laetitia, qui a bien entendu cherché à me prouver par A + B qu’il fallait que je persévère. C’est donc elle qui a réussi à me convaincre de réinvestir. Après des fouilles archéologiques chez mon libraire, j’ai donc réussi à mettre la main dessus. Et puis, banco, quoi.
D’abord, l’histoire est fun. Pas fun dans le genre grosse comédie toussa-toussa, non. Fun dans le genre polar dont on ne sait pas trop où il va nous mener et dont on n’arrive plus à sortir. Parce qu’en soi, même s’il y a des passages savoureux, ce n’est quand même pas la grosse marrade, hein : la gosse qui disparaît, Valentine, elle n’a rien d’un ange et elle a plutôt une existence franchement glauque.
Mais même si tout le monde semble se mettre d’accord pour dire que la gamine est une déséquilibrée, on a quand même des regards bien différents portés sur l’affaire, puisque Despentes a choisi au fil de l’intrigue de faire varier les points de vue. Il y a celui, récurrent, du personnage principal – Lucie Toledo, détective privée pas franchement compétente – qui alterne avec ceux des personnages secondaires : le père de la mioche, son cousin, la Hyène – l’associée méga-compétente-et-bonnasse qui va aider Lucie…
Ce qui est plaisant dans cette polyphonie, c’est que chaque personnage qui prend la parole y est décrit dans un style différent, avec beaucoup de précision : à chaque nouveau chapitre, on entre dans un nouvel univers, souvent radicalement différent de ce à quoi on s’attendait, loin des structures binaires, des oppositions classiques, si bien qu’on peine à trouver où se situe la vérité, sans pour autant s’en sentir frustré. On se ballade plutôt, d’une vision à l’autre, d’un personnage à l’autre. Ils ont tous leur propre version des événements, qui souvent ne coïncide pas avec celles des autres. Malgré tout, une chose les relie : la vision qu’ils ont de Valentine, seule certitude commune, qui n’explose qu’à la fin, quand c’est à Valentine de prendre la parole.
Quel que soit le personnage décrit, on trouve dans l’écriture de Despentes beaucoup de tendresse. Même si l’humanité un peu froide et objective avec laquelle ils sont présentés les rend parfois cruels ou ridicules, on sent malgré tout que l’autrice les aime, et nous partageons avec elle un attachement sincère pour ceux que nous croisons.
Extrait :
Elle penche la tête et s’abîme dans la contemplation de la photo. Elle a de belles mains, blanches, longs doigts, je remarque que ses ongles sont rongés jusqu’à la chair. Elle porte une énorme bague à tête de mort, ça me semble un petit peu pathétique, genre pour qui elle se prend, la Keith Richards des fouilles-merde ? Elle reste concentrée un moment sur le portrait de Valentine, qui sourit à l’objectif, de trois quarts, les yeux clairs, jolies fossettes, cheveux brillants. Un peu ronde. Comme toutes les filles de son âge, sur les photos de famille, elle a juste l’air d’une bonne gamine. Puis la Hyène me dévisage pensivement, il y a quelque chose de gênant dans l’insistance de son regard.
– Les gamines un peu grosses cherchent à dissimuler les mensonges du père.
Génial. Je voulais faire équipe avec James Bond, je me retrouve avec une disciple de Dolto.